/ DESCRIPTION

"Les 3 Fantômes" est une plongée hypnotique dans l’indistinction des formes et la matérialité de l’ombre. Entièrement réalisée en noir, blanc et nuances de gris, cette toile s’inscrit dans une tradition du clair-obscur revisité par l’abstraction, où la lumière ne révèle pas, mais dissimule autrement. Ici, les fantômes ne sont pas des figures visibles, mais des présences que l’on devine, que l’œil croit percevoir au détour d’un contraste ou d’une volute.

Une esthétique de la rémanence, un art du passage, inspiré des recherches de Francis Bacon ou de Zao Wou-Ki, où l’indéfini devient le vrai sujet du tableau. Le mouvement est partout : dans les marbrures nerveuses, les lignes flottantes, les surgissements de blanc dans le noir — comme autant d’apparitions fugitives, de spectres sans visage. Ces « trois fantômes » évoquent peut-être trois états de la mémoire : ce que l’on a oublié, ce que l’on croit se rappeler, et ce qui revient malgré soi.

Il y a dans cette œuvre un dialogue avec le sublime gothique, celui de la peinture romantique noire (à la manière de Goya ou Füssli), mais également avec une modernité abstraite qui refuse toute narration explicite. Les fantômes ne sont plus liés à un récit, ils sont des formes-émotions, des affects suspendus dans la matière picturale. Ce tableau agit comme une surface de projection intérieure : chacun y reconnaît ses propres absents, ses propres frayeurs ou souvenirs dilués dans le flux de la conscience. À la manière de Derrida dans Spectres de Marx, Gerber nous rappelle que les fantômes ne disparaissent jamais tout à fait — ils hantent le visible, ils en sont même une des conditions.